Dénoncés parce que nous sommes Français

Sibenik en Croatie, petit village charmant dans lequel nous marquons une pause pour rappeler l’Ambassade : trois locations viennent de nous être refusées. Il nous est très clairement fait comprendre que notre nationalité ne va pas nous aider. Le coronavirus touche désormais la France de plein fouet après l’Italie, les pays encore préservés s’inquiètent. Il est tant de faire un point.
Cette fois-ci, le Consul nous conseille vivement de rentrer en France. Les choses ne vont pas aller en s’arrangeant et nous allons vite en faire les frais…

Nous rentrons au camion abasourdis et agars avec l’intention de suivre le conseil donné immédiatement.
A peine arrivés, deux policiers, vêtus d’un gilet par balles, se dirigent vers nous tout en enfilant des gants et en ajustant un masque. Ils sont grands, très costaux pourraient être des videurs, tant leur carrure est impressionnante. Ils veulent s’assurer que nous respectons la « quatorzaine » qui vient tout juste d’être mise en place. Nos passeports n’ont pas été enregistrés à notre entrée en Croatie. Ils s’en étonnent, nous demandent des preuves de notre jour d’arrivée sur le territoire, nous questionnent longuement sur notre présence ici, veulent connaitre nos projets pour la suite.
Heureusement, la discussion se fait en anglais et les enfants sont en admiration plus qu’inquiets.

Lorsque Francisco finit par leur demander s’ils ont été appelés et par qui, ils semblent un peu gênés et justifient qu’avec le Coronavirus, la population psychote.

Nous nous retournons et nous apercevons alors que toute notre interpellation a été suivie par une dizaine de personnes d’une pizzeria toute proche. Francisco leur fait un signe de la main, certains s’empressent alors de rentrer dans le restaurant. D’autres assument et attendront jusqu’à ce que les policiers repartent.

Nous reprenons la route, humiliés, en colère, déçus de ce voyage qui se termine sur une très mauvaise note…

Nous roulons une partie de la nuit sur de petites routes entre la Croatie et la Slovénie, pour être sûrs de pouvoir passer la frontière. Le lendemain nous remontons vers l’Autriche, le seul pays qui sera resté ouvert et sans contrôles, puis nous roulons jusqu’en Allemagne où nous passons la nuit avant de rentrer en France.

 

Perdue la bataille, mais pas la guerre !

Matinée ensoleillée, après avoir roulé un peu plus d’une heure dans les lacets des Alpes dinariques, nous arrivons au poste frontière avec la Bosnie-Herzégovine : nous prévoyons un petit crochet vers Mostar avant de retourner en Croatie visiter Dubrovnik.
Avec une impatience, mêlée d’excitation, nous tendons nos passeports au douanier. Nous roulons les quelques mètres qui nous séparent de la Bosnie, y entrons et nous arrêtons au poste suivant…

Les enfants comprennent aussi vite que nous : entre deux mots en anglais, « coronavirus » est tombé comme un couperet. Leurs frontières sont fermées aux Français, Italiens et Allemands jusqu’à nouvel ordre. C’est un coup bas, une déception totale : après nous avoir fait traverser l’Italie à toute allure, voici que ce satané virus nous « empêche » d’entrer dans certains pays…

Il n’y a plus qu’à faire demi-tour…
Plein d’espoir, nous pensons encore pourvoir rejoindre Dubrovnik, mais le détour de 4h00 par les iles nous dissuade.
Le coup de fil avec le consul confirme que rester en Croatie est la meilleure des choses à faire : le Monténégro durcit ses contrôles aux frontières. Certains pays par lesquelles nous voulons passer ensuite risquent de suivre. Venant de Croatie, nous avons nos chances de pouvoir passer en Slovénie et en Hongrie.
Dans les heures qui suivent, la Slovaquie et la République Tchèque suivent le mouvement.
Retour à Markaska, errance entre petits villages de bord de mer. Il est tant de réagir…

Les Français commencent à faire psychoter par ici : avec difficultés, nous trouvons une location en Croatie, le temps de faire le point.
Nous décidons de nous adapter, après tout, le but de ces 6 mois était de passer du temps en famille, de faire du vélo 4 mois et pour le moment, cet essentiel est toujours là !
Pour les précautions, nous vivons déjà en vase clos avec notre thermomètre qui contrôle chaque jour les températures.
Ajoutons-y qu’il fait beau, chaud et que nous avons droit à des paysages paradisiaques au quotidien : pas question de renoncer !

Notons quand même l’ironie du sort : faire un voyage en Europe au moment où les pays de l’espace Schengen ferment leurs portes les uns après les autres !
Je crois que nous avons encore du mal à y croire…

 

Quand la proximité devient la promiscuité

Il nous arrive souvent qu’une discussion entre adultes s’impose : raconter le dernier coup de fil, échanger sur l’actu, planifier la journée suivante,  évoquer un souvenir, prendre 5 minutes pour papoter de tout et rien. En principe, c’est un temps que nous arrivons à trouver facilement et si c’est compliqué, nous pouvons toujours nous isoler.

Quand la maison se réduit à un camion, le jardin à beau devenir la Terre entière, nous ne sommes jamais suffisamment loin les uns des autres, pour bavarder à la discrétion des enfants.  Il y en a toujours un pour prendre la discussion en cours et s’y immiscer avec un distingué « c’est qui ? ».

S’en suivent alors les « pourquoi tu dis ça ? », « tu parlais de qui ? », « tu disais quoi à Papa ? ». Voilà qui nous fait souvent perdre le fil du pourquoi du comment : entre les « je parlais justement à Papa », « ça ne te regarde pas », « continue de jouer »… Nos conversations ne tiennent plus debout et s’effilochent.

Finalement, beaucoup de nos dialogues commencés à deux tombent petit à petit dans l’oubli en attendant un moment plus propice. L’autre alternative : terminer sur la place publique familiale faute de mieux… Et après tout, pourquoi pas !

 

 

Un p’tit tour à Ljubjana

Tout commence après un trajet long de plus de 7h00. Nous arrivons fourbus et fatigués. Cette petite location qui nous attend d’ici les quelques 1000 kms à parcourir nous réjouit : un peu de confort pour se remettre de ces premières semaines passées dans le camion.
Simona nous accueille comme sa famille. Elle est très loquace et agréable.
Dans sa location, tout est prêt pour nous : un plan de Ljubjana qu’elle prend soin de nous détailler, un guide en français pour déambuler en toute sérénité dans la capitale, des tisanes, des lits fraichement préparés, elle est aux petits soins.

Dès le lendemain, sur ses conseils, nous nous rendons en ville à vélo. Tout est très bien pensé pour les cyclistes. Chacun est heureux de se dégourdir un peu les jambes et d’avoir un petit avant goût de ce qui nous attend prochainement.

La ville de Ljubjana est à taille humaine. La place centrale avec le triple pont qui enjambe la Ljubljanica a un charme fou. Hautes maisons et grands bâtiments s’élèvent autour de nous dans des tons jaunes, rouges et vert pâle.
Il fait beau, nous en profitons : balade le long de la rivière. Une multitude de petits cafés et restaurants bordent ses rives.
Nous sommes samedi : la plupart des magasins ferment à 14h ce jour là. Le temps semble couler doux et calme : peu d’agitation, ou de bruit ; peu de monde, quelques visiteurs égarés sur ce qui semble être la fin du marché.
Nous continuons notre route vers le funiculaire pour monter au château qui domine Ljubjana.
La ville, alors si petite, nous apparait surplombée par d’imposantes montagnes avec leurs sommets encore enneigées.
Visite rapide du château, avant de reprendre notre moyen de locomotion pour retrouver les bords de la Ljubljanica une dernière fois, puis nos vélos.

L’église assène ses 17 coups longs et réguliers et annonce la fin de la journée : dans une demi-heure il fera totalement nuit, il est tant de rentrer…

Applis vs Débrouille

Grâce à toutes ces petits génies de l’informatique, nous avons une facilité d’accès à tout :

– chercher un bon « spot » où dormir la nuit, c’est OK.
– aller jusqu’à ce lieu de rendez-vous par la voix la plus rapide et sans embouteillage, « check ».
– quelques musiques bien choisies et autres contes et c’est parti !
– envoyer un petit message rassurant pour dire que nous sommes bien là où nous sommes, « voilà, voilà… Encore juste une petite seconde… »
– chercher les derniers détails sur l’endroit où nous sommes pour la visite du lendemain et compléter le Routard, on y est…
– Comme dans 4 jours la petite douche dans un appartement confortable serait la bienvenue, petite recherche rapide et…c’est bon !

Et comme parfois, la déduction ne suffit pas :
– scanner quelques produits au SmartPhone pour s’assurer d’utiliser le sel plutôt que le sucre.


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Oui, mais voilà… Quotidiennement, nous passons 1h44 sur nos écrans. Pour nous, c’est un triste record.
C’est un temps précieux que nous ne passons pas avec nos enfants, ou tous les deux,
un temps que nous ne passons pas à nous reposer quand c’est nécessaire,
de l’impatience que nous sommes devenus incapables de contenir,
un agacement injustifié ou même parfois de la colère quand nous ne trouvons pas ce que nous cherchons…

Il faut bien reconnaitre que…
– Nous avons évité la nuit dans un lieu tellement peureux, que le lendemain, il fallait récupérer d’une nuit blanche. Non, nous sommes sereins.
– Nous ne nous sommes pas mis en colère parce qu’on n’avait pas assez de place pour déplier la carte, trouver le bon itinéraire, ou trouver une place où se garer rapidement. Non, nous sommes joyeux.
– Les enfants sont d’une patience infinie pendant les longs trajets. Oui, les histoires ont un pouvoir apaisant sur nos enfants !
– Nous nous sentons soutenus par vous tous, et quand il fait nuit à 17h30, qu’il pleut, que nous n’avons pas moyen de trouver de quoi diner, et que nous nous retrouvons au lit à 20h, vos petits messages n’ont pas de prix !
Sans applis, tous ces avantages sont à bannir.

Un point pour les applis !

Mais la revanche aura lieu à coup sur d’ici quelques semaines, quand nous pédalerons puisque nous connaissons déjà la route, les lieux où dormir seront évidents à trouver, les enfants seront déjà occupés… Il nous manquera cette facilité à communiquer que nous apprécions tant, mais on trouve toujours des solutions !

Italie

Mes cours d’histoire de l’art enterrés dans un coin de ma mémoire refont doucement surface…
Entre petites rues étroites et façades couleur jaune ou ocre, linge étendu sous les fenêtres et majestueux Duomo, persiennes vertes à demi ouvertes et allées bordées de cyprès, l’architecture italienne nous fait de l’œil.  Nous sommes happés par ces grandes villes et petits hameaux.
Voilà que nous nous enfonçons dans l’Italie. Sur la place du village de Spello, nous nous prenons à rêver que nous faisons partis des habitants.
Nous logerions au dessus de l’ancien aqueduc romain, accrochés dans les montagnes. Le matin, le café serait de mise, au soleil, sur la place du village. Goûtant au silence du couvent des Clarrisses juste derrière le mur, et aux passages des Topolino et autres Piaggio Ape. Le soir, nous profiterions du cinéma installé dans l’église et nous passerions le reste du temps à nous balader le long de la voie romaine ou à aller jusqu’à la source du village remplir nos gourdes et nos bouteilles.
Un « buongiorno » chantant interrompt le rêve. Les enfants courent dans la poussière et les graviers pour venir se laver les mains à l’eau du puits. L’heure est aux leçons !



Cette traversée de l’Italie aura été une belle découverte pour chacun. Il nous faudra revenir pour visiter le nord, Milan, Venise et Trieste, s’installer à la table des restaurants pour goûter aux « vraies » lasagnes, et spaghettis à la bolognese, entrer dans les gelateria pour y commander des glaces et surtout boire du café !

 

 

 

 

L’école en voyage

Le rythme est pris : l’heure consacrée aux leçons de maths et français a lieu tous les matins, toute la semaine, week-end compris, sur les genoux, blottis dans le camion parce qu’il gèle dehors, ou sur la table d’un parc au soleil.

La seule raison valable pour ne pas faire ses devoirs est le « jour de la connexion ».
Ce jour là, (le dimanche ou le lundi en fonction des possibilités) chacun peut lire et écrire des mails et doit publier un article. Taper à l’ordinateur reste encore fastidieux, et nous écrivons sous la dictée de textes préparés pendant la semaine par Inès et Anatole et pensés par Victoire.

Les écoliers sont sérieux et appliqués, même si chacun à ses préférences en terme de matière et que les tempéraments entrent beaucoup en jeu.

Nous pensions cette réalité des devoirs pénible et contraignante, mais nous nous rendons compte qu’elle fait maintenant partie de notre routine et pour le moment chacun semble l’avoir bien intégrée !

 

 

Une matinée à La Turbie

Un parc face à la mer dans les collines de La Turbie. L’église du village sonne 11h00. Le soleil est déjà haut et chaud. En ce petit matin d’hiver, on supporte bien une veste mais les enfants qui jouent sont déjà en manches courtes.

Sur ce banc, face au soleil, mes joues chauffent avec bonheur. Derrière moi, réunis autour d’un banc, les vieux du village discutent. Leurs voix chantantes à la Yves Montand parlent du bon vieux temps. Petit à petit, ils se font plus nombreux. Retrouvailles heureuses en ce samedi matin d’un ami, parti semble t-il, il y a quelques temps.
Un petit vent doux commence à souffler, les gourdes sont remplies, il va falloir songer à repartir et s’arracher à ce moment de douceur.

Moment déjà idéalisé avant d’être rangé dans mes beaux souvenirs. Souvenirs heureux d’un moment passé auprès des miens, bercés de soleil, de chants d’oiseaux, de ces petits vieux qui déjà s’éloignent.

Je sors avec peine de cette torpeur dans laquelle j’étais plongée, avec une petite pointe de nostalgie prématurée mais la furieuse envie de continuer nos découvertes !